PainkillAR la réalité virtuelle comme solution à la douleur chronique
PainkillAR, entreprise MedTech du TELECOM Paris Novation Center, est à la pointe des start-up qui font progresser l’utilisation de la réalité virtuelle dans la gestion de la douleur. Avec le rôle croissant de la réalité virtuelle dans les soins de santé, cette technologie pourrait offrir de nouvelles options de thérapie à distance efficaces, voire même une solution à la crise des opiacés.
LA DIFFICILE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHRONIQUE
La douleur chronique touche plus d’un milliard d’êtres humains sur Terre. Elle est définie selon l’Organisation Mondiale de la Santé comme une douleur persistante qui perdure plus de 6 mois et parfois à vie. En France, 12 millions de personnes [1] souffrent de douleurs chroniques. Ce sont des femmes et des hommes qui souffrent d’arthrose, de lombalgie, de migraines ou encore de maladies auto-immunes ou des séquelles d’un cancer. La prise en charge de la douleur chez ces patients chroniques est longue et complexe. Elle est pilotée par les CETD (Centres d’Évaluation et de Traitement de la Douleur), unités spécialisées rattachées à des hôpitaux universitaires. Les CETD sont des unités pluridisciplinaires regroupant des médecins algologues, des kinésithérapeutes, des psychologues, etc., d’une qualité remarquable. Mais, comme la crise de l’épidémie de Covid-19 que nous traversons le révèle, les hôpitaux sont saturés et sous-dotés.
J’ai moi-même été confronté au parcours du combattant du patient douloureux chronique : un an pour avoir une consultation. Puis, les neurologues m’ont prescrit des médicaments qui se sont avérés peu efficaces et avec beaucoup d’effets secondaires très invalidants : nausée, perte de mémoire et troubles du comportement. On m’a rassuré en me disant que les médicaments ne marchaient que pour 55% des patients (à peine), en particulier dans le cas des douleurs neuropathiques.
De là, j’ai été orienté vers l’acupuncture et l’hypnose. A priori très sceptique quant à l’efficacité de l’hypnose thérapeutique, ma première séance a été comme une révélation, une sensation d’être comme dans du coton et, pendant quelques minutes, l’impression de ne plus avoir mal. Mais il est difficile de retrouver le même niveau d’immersion chez soi, en auto-hypnose. Dans leur ensemble, les thérapies non-médicamenteuses telles que les TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives) ainsi que l’hypnose sont efficaces. Cependant, elles ne sont pas accessibles en dehors des zones urbaines et elles restent coûteuses : si l’on ne veut pas attendre 6 mois pour un rendez-vous en CETD, il faut prévoir 80 € pour une séance dans le privé, non remboursée.
Genèse de PainkillAR
Ne serait-il pas génial de pouvoir simuler ces séances d’hypnose si bénéfiques et de pouvoir les faire à l’envi depuis son salon ? L’avènement des technologies immersives grand public - en particulier la réalité virtuelle mobile et la réalité augmentée - rend cela en théorie possible.
Quand nous avons créé la start-up avec Irshad, nous partagions la conviction que les technologies immersives allaient permettre de démocratiser l’hypnose analgésique et la méditation pleine conscience. Des techniques utilisées en hypnose telles que la visualisation et l’induction sont ainsi plus facilement accessibles.
RÉALITÉ VIRTUELLE ET DOULEUR
L’idée d’utiliser la réalité virtuelle (VR ou Virtual Reality) pour traiter la douleur n’est pas nouvelle. Au début des années 2000, Hunter Hoffmann (Université de Washington) met au point « Snow World », un monde virtuel enneigé dans lequel on plonge des grands brûlés. Cette immersion dans un environnement glacial soulage les patients qui ressentent moins leurs brûlures et voient leurs douleurs baisser de moitié [2]. En 2017, l’équipe de Brennan Spiegel (Cedars-Sinai Los Angeles) teste la réalité virtuelle sur des patients en soins hospitaliers souffrant de tous types de douleurs. Au-delà de la baisse de la douleur ressentie, les résultats de cette étude [3] montrent une diminution de la consommation d’antalgiques. En pleine crise des opiacés, ces travaux sont largement relayés par les médias américains qui mettent en lumière l’utilisation de la réalité virtuelle dans la prise en charge de la douleur. D’autres études (Canada, Europe) viennent confirmer ces résultats très prometteurs et ouvrent la voie vers une nouvelle thérapie non médicamenteuse pour le traitement de la douleur. Les principaux intérêts de la réalité virtuelle sont son accessibilité - tant au niveau du prix que de l’usage - et l’absence d’effets secondaires.
Exemples d’environnements virtuels utilisés en thérapie et relaxation.
LA SOLUTION PAINKILLAR
La mission de PainkillAR est de développer une solution non médicamenteuse de gestion de la douleur chronique qui s’appuie sur la technologie de VR mobile. Notre but est de transposer les recherches et les expériences de VR thérapeutiques aujourd’hui cantonnées dans les laboratoires et les grands centres hospitaliers universitaires et de les traduire dans des produits accessibles aux patients chez eux. Car la douleur arrive n’importe où et n’importe quand.
Conçue pour un usage quotidien, notre dernière création, Lindra, est une application dite de « marche méditative » [4]. Elle propose des exercices évolutifs et s’adapte à l’évolution de chaque utilisateur. Cela permettra de réduire la consommation de médicaments, d’offrir une autonomie aux patients et ainsi désengorger le système de santé.
Business Model
PainkillAR a commencé son développement en commercialisant un système de réalité virtuelle pour l’aide aux soins douloureux en pédiatrie (prise de sang, ponctions lombaires, etc.) à des établissements de santé et des laboratoires d’analyse biomédicales. Aujourd’hui, PainkillAR se consacre presque à 100% au déploiement de Lindra, application B2C disponible sur Android et iPhone avec un système d’abonnement mensuel. Notre ambition est d’adresser le marché de la douleur chronique en France et en Europe et d’atteindre le millier d’utilisateurs d’ici la fin de l’année.
Comment ça marche ?
Une séance de réalité virtuelle thérapeutique avec Lindra se déroule ainsi : l’utilisateur lance son application sur son smartphone et glisse son téléphone dans un casque de VR mobile pour smartphone (Google Cardboard) ou standalone, c’est-à-dire qui fonctionne sans smartphone (Oculus Go) [voir figure ci-contre]. L’utilisateur confortablement assis ou semi-allongé ajuste le casque de réalité virtuelle sur sa tête et apprécie pendant 10 à 15 mn un voyage dans un paysage calme et relaxant parfois agrémenté d’exercices psychomoteurs ou cognitifs [voir figure ci-dessus].
Les études que nous menons, en partenariat avec le CETD de la Pitié-Salpêtrière à Paris, montrent que, si une personne utilise la réalité virtuelle pour faire des séances d’hypnose ou de marche méditative, il est fort probable que les douleurs et leur retentissement dans la vie quotidienne se voient diminués.
Pourquoi ça marche ?
En réalité virtuelle, on submerge le cerveau d’informations visuelles, sonores et spatiales qui mobilisent une partie de ses ressources. Comme dans un ordinateur, les sensations de douleurs sont reléguées en « tâches d’arrière-plan ».
En ce qui concerne les douleurs chroniques, dont les mécanismes sont plus complexes et encore mal compris, il est suggéré que d’autres mécanismes pourraient être impliqués dans les douleurs persistantes, notamment en modifiant la connectivité cérébrale [5] qui est souvent altérée chez les patients douloureux chroniques [6]. On sait notamment, depuis les travaux sur les neurones miroirs de Rizzolatti [7] et Ramachandran [8], qu’il suffit de voir ou de simuler une action pour produire des effets sur l’interprétation que le cerveau fait du signal douloureux. L’exemple emblématique est le traitement de la douleur du membre fantôme (douleur persistante d’un membre amputé) : le simple fait de voir le membre sain bouger dans le miroir, dans un reflet qui se superpose au membre amputé, soulage quasi immédiatement la douleur dans le membre amputé, alors même que le sujet est parfaitement conscient de son amputation ! Probablement se passe-t-il quelque chose de similaire quand un patient se met en scène dans un environnement en réalité virtuelle lui proposant d’apaiser ses douleurs.
TAKE-HOME MESSAGE (À RETENIR)
Les thérapies antidouleur utilisant des expériences de réalité virtuelle sont aujourd’hui crédibles sur le plan scientifique et médical. Leur efficacité repose sur une modulation de l’attention et potentiellement sur d’autres mécanismes cérébraux complexes. Ces expériences de réalité virtuelle analgésiques conçues conjointement avec médecins, neuroscientifiques, ingénieurs et patients pourraient compléter l’éventail de thérapies non médicamenteuses déjà existant. Cela peut permettre d’améliorer la prise en charge des patients douloureux chroniques, en particulier celles et ceux souffrant de maladies chroniques et inflammatoires telles que la polyarthrite rhumatoïde, la fibromyalgie ou la maladie de Crohn. Des solutions comme celles développées par PainkillAR pourraient être à terme des thérapies puissantes, simples d’utilisation et efficaces, aussi utiles en soins hospitaliers et cliniques qu’en soins à domicile.
Références
1 Source : Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD).
2 Hoffman HG, Chambers GT, Meyer WJ 3rd, et al. Virtual reality as an adjunctive non-pharmacologic analgesic for acute burn pain during medical procedures. Ann Behav Med. 2011;41(2):183–191.
3 Tashjian VC, Mosadeghi S, Howard AR, Lopez M, Dupuy T, Reid M, Martinez B, Ahmed S, Dailey F, Robbins K, Rosen B, Fuller G, Danovitch I, IsHak W, Spiegel B, Virtual Reality for Management of Pain in Hospitalized Patients: Results of a Controlled Trial, JMIR Ment Health 2017;4(1):e9.
4 Diane Gromala, Xin Tong, Amber Choo, Mehdi Karamnejad, Christopher D Shaw, The Virtual Meditative Walk: Virtual Reality Therapy for Chronic Pain Management, CHI ‘15: Proceedings of the 33rd Annual ACM Conference on Human Factors in Computing Systems.
5 Valet M, Sprenger T, Boecker H, Willoch F, Rummeny E, Conrad B, et al. Distraction modulates connectivity of the cingulo-frontal cortex and the midbrain during pain - an fMRI analysis: Pain 2004;109:399–408.
6 Tanasescu R, Cottam WJ, Condon L, Tench CR, Auer DP. Functional reorganisation in chronic pain and neural correlates of pain sensitisation: A coordinate based meta-analysis of 266 cutaneous pain fMRI studies. Neuroscience & Biobehavioral Reviews 2016;68:120–33.
7 V. Caggiano, L. Fogassi, G. Rizzolatti et coll, « Mirror neurons differentially encode the peripersonal and extrapersonal space of monkeys », Science, n°324, 2009, p. 403–406.
8 V. S. Ramachandran, Eric L. Altschuler, The use of visual feedback, in particular mirror visual feedback, in restoring brain function, Brain, Volume 132, Issue 7, July 2009, Pages 1693–1710.
Guillaume PALACIOS
CEO de PainkillAR
DEA Physique Quantique à l’ENS Paris et PhD en Physique Théorique à l’Université Leibniz à HanovreAprès une carrière dans le domaine de la physique théorique aux USA, aux Pays-Bas et en France, Guillaume a travaillé comme ingénieur R&D dans les nouvelles technologies, notamment chez Criteo, avant de se lancer dans l’entrepreneuriat technologique. Sa conviction est que la technologie doit tirer l’humanité vers le haut et aider à régler les grands enjeux du XXIe siècle que sont la transition énergétique et la santé notamment.
Les autres membres de PainkillAR
Irshad ABIBOURAGUIMANE
CTO de PainkillAR
Ingénieur Centrale Nantes et spécialiste de la réalité virtuelle, Irshad a rejoint PainkillAR après une expérience de recherche au Japon à l’Université de Keio durant laquelle il a travaillé sur des Interfaces Homme-Machine et la vision par ordinateur appliquées à la formation des chirurgiens.
Dr. Florian Bailly, rhumatologue et médecin de la douleur à la Pitié-Salpêtrière à Paris
Dr. Damien du Perron, médecin gériatre et hypnothérapeute à la Pitié-Salpêtrière à Paris
Pr. Eric Serra, professeur Associé en Médecine de la Douleur
Université Picardie Jules Verne à Amiens
www.painkillar.com
www.lindra.co
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