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13 juillet 2020

ORDINATEUR QUANTIQUE ET CRYPTOGRAPHIE POST-QUANTIQUE

Quand l’ingénierie prendra-t-elle la place de la recherche ?

La 19e conférence Télécom ParisTalks ayant pour thème « Ordinateur quantique et cryptographie post-quantique : quand l’ingénierie prendra-t-elle la place de la recherche ? » a réuni le 21 janvier 2020 à la maison des élèves des Mines et des Ponts et Chaussées, des acteurs représentant le domaine de l’informatique quantique et des participants d’horizon divers souhaitant comprendre les principes, l’écosystème et les applications de l’informatique quantique.

La conférence était animée par Linda Heurtebize, co-présidente du groupe Cybersécurité de Télécom Paris alumni qui a organisé cette conférence en partenariat avec Télécom Evolution.


INTRODUCTION

L’informatique quantique -ou ordinateur quantique- se trouve placée au cœur de l’actualité par les récentes annonces et polémiques autour de percées technologiques, par les budgets énormes désormais mobilisés au niveau mondial, mais aussi par la publication le 9 Janvier 2020 du plan d’action national conçu et lancé par les pouvoirs publics français. Or au-delà de ces annonces d’accélération, que savons-nous véritablement et que pouvons-nous à propos de cette nouvelle technologie dite de rupture ? Quelles initiatives seront ou devront-elles être prises, par les secteurs publics comme privés, mais aussi par les écoles d’ingénieurs ?

Organisée quelques jours après l’officialisation du plan d’action français et des moyens consacrés, notre soirée d’information et de débat s’adresse à tous les publics, y compris non scientifiques. À partir d’un rappel de l’état de l’art technique et des défis restant à relever, elle aborde la question de l’industrialisation ainsi que les perspectives de déploiement dans notre quotidien, avec ses échéances, ses contraintes, ses opportunités, ses acteurs, avec également ses enjeux de suprématie ou inversement d’indépendance, et la prime ou non au premier arrivé. Le plateau d’orateurs, réunissant les diverses parties prenantes –chercheurs, industriels, utilisateurs, investisseurs spécialisés sur le quantique, pouvoirs publics…- apporte un éclairage multi-facette : quand, combien, par qui, au détriment de quoi ou de qui ?

L’industrie informatique telle que nous la connaissons, confrontée à la fin de la loi de Moore, construit désormais une partie de ses espoirs –… ou de ses craintes- autour des technologies quantiques, avec ses promesses de performances dépassant notre imagination.

Ceci engendre un changement de paradigme !

L’informatique quantique est un « deeptech » très complexe qui vise à utiliser les propriétés de la physique quantique tels que le principe de la superposition et la théorie de l’intrication pour calculer avec un gain de puissance exponentiel par rapport aux supercalculateurs actuels.

Aujourd’hui, parle-t-on de simulateurs quantiques de quelques dizaines de bits quantiques (qubits) logiques (ou qubits parfaits) avec des qubits logiques de correcteurs d’erreur. Cependant, il faudrait un ordinateur avec quelques milliers de bits quantiques parfaits pour s’attaquer à des problèmes complexes, comme le décryptement du RSA.

L’informatique quantique est fascinante mais également porteuses de risques. En matière de cybersécurité, nous ne sommes pas à l’abri de l’arrivée de cet ordinateur aux qubits parfaits et de ses attaques quantiques contre nos standards actuels. Sommes-nous prêts à y faire face ? où les orateurs exposent leur point de vue et leurs champs d’action dans leurs domaines d’expertise respectifs.

Ce mardi 21 janvier, plus de 198 participants ont assisté à une présentation et une table-ronde rassemblant des experts représentatifs du monde de l’informatique quantique.

Chaque intervenant a exposé les points forts de ses activités au sein de son entreprise ou dans un cadre de la recherche en abordant les champs suivants :
  • L’état de l’art de l’informatique quantique, avec ses perspectives pour les prochaines années ;
  • Les applications et usages de l’informatique quantique pour traiter des problèmes d’optimisation et de simulation ;
  • Les cas d’usages identifiés ;
  • Les menaces sur les dispositifs de sécurité existants : La cryptographie quantique et post-quantique, les différences entre les deux et pourquoi elles sont stratégiques pour protéger les communications d’aujourd’hui et de demain.
  • Et les enjeux stratégiques des écoles auprès de leurs ingénieurs ou leurs élèves à se projeter dans ce domaine d’avenir.


L’ÉTAT DE L’ART DE L’INFORMATIQUE QUANTIQUE AVEC SES PERSPECTIVES POUR LES PROCHAINES ANNÉES

Abordé par Olivier Tonneau, l’un des associés fondateurs du fonds d’investissement Quantonation, membre du Comité d’Investissement de la société de gestion Audacia, et membre du conseil de différentes sociétés, parmi lesquelles Greenerwave, Qnami et CryptoNext Security introduisant l’informatique quantique comme étant une « deep physique ».

Avant de nous lancer dans l’analyse de cette révolution à venir, il est essentiel de mettre en évidence la caractéristique fondamentale d’un ordinateur quantique : sa capacité à traiter certains types de calcul en parallèle, massivement et simultanément.

L’ordinateur quantique est un nouveau modèle d’ordinateur, basé sur des principes assez éloignés de l’ordinateur classique s’appuyant sur des propriétés computationnelles.

Un ordinateur quantique est l’équivalent des ordinateurs classiques mais qui effectuerait ses calculs en utilisant directement les lois de la physique quantique et, à la base, celle dite de superposition des états quantiques. Et de la propriété de la physique quantique tel que l’intrication quantique, soit le fait qu’une particule puisse avoir deux états quantiques simultanément.

Comme pour toute technologie en cours de maturation, le problème de la standardisation se pose.

Par ailleurs, nous l’avons vu, l’ordinateur quantique n’exprime toute sa puissance que sur certaines catégories de problèmes.

Comme l’essentiel des technologies récentes, l’informatique quantique nécessite la mobilisation d’un écosystème riche et divers : recherche, financement, commercialisation, tous les acteurs doivent être mobilisés pour faire émerger des solutions opérationnelles, avec un véritable impact global.

Les fonds d’investissement sont des alliés incontournables.

Les investissements actuels sont réalisés en majorité par des fonds spécialisés en deeptech ou spécifiques à une ou à Les États stratèges et leurs programmes de financement.

L’OPTIMISATION DE GRANDS SYSTÈMES

Les applications et usages de l’informatique quantique pour traiter des problèmes d’optimisation et de simulation

Philipe Duluc, Directeur technique Big Data et sécurité du groupe Atos, diplômé de l’école Polytechnique a exposé l’optimisation de grands systèmes.

Traditionnellement, les applications d’optimisation reposent sur les méthodes de force brute et la puissance informatique des ordinateurs classiques. Cependant, les ordinateurs quantiques sont capables de déterminer rapidement toutes les solutions possibles et donc de proposer une solution optimale plus rapidement.

En France, Atos est l’acteur français de pointe sur le développement de l’informatique quantique.

À titre d’exemple, Atos a lancé le programme « Atos Quantum » en 2016, réunissant plusieurs dizaines de chercheurs et d’ingénieurs et se composant de sous-programmes comme :

  • Atos QLM, Atos Quantum Learning Machine : le premier système industrialisé et prêt à l’emploi capable d’émuler jusqu’à 41 qubits physiques en intégrant le « bruit quantique » sur des processeurs Intel classiques, propulsé par un nouveau supercalculateur ultra compact exaflopique (un milliard de milliards d’opérations par seconde), BullSequana.
  • Atos Quantum Accelerator, Programme R&D avec des partenaires hardware : livraison en 2023 d’un accélérateur NISQ (50 à 100 qubits physiques) pour le supercalculateur hybride et piloté par Atos QLM.
  • Atos Quantum- safe security, aligné avec l’appel du NIST pour les normes post-quantiques : préparation des cryptographies et des modules de sécurité matérielle, résistants aux attaques quantiques.
  • Ses possibles applications sont majeures, et touchent tous les secteurs : création de nouvelles molécules permettant de traiter encore plus de maladies, simulation de systèmes complexes…


LA SIMULATION DE SYSTÈMES COMPLEXES

Les cas d’usages identifiés

Inventer de nouvelles batteries électriques, des matériaux, optimiser le pilotage des installations de raffinage... Les applications du quantique ne manquent pas pour Total.

Henri Calandra, Expert en méthodes numériques et calcul haute performance, mise en place du projet de calcul quantique chez TOTAL, docteur en mathématiques appliquées de l’UPPA, expose plusieurs cas d’usage de l’informatique quantique, plus précisément l’utilisation du calcul quantique avec le lancement d’un programme de recherche dédié sous la direction de la R&D de l’énergéticien.

L’un des cas d’usages identifiés concerne la chimie quantique, soit le calcul des niveaux d’énergie des molécules et de leurs interactions. Avec des applications dans le raffinage et la chimie des batteries. » Les problèmes d’optimisation et le couplage au machine learning constituent le deuxième thème, avec des applications dans la gestion des réseaux de distribution d’énergie par exemple. « Sur ces sujets de moyen terme, nous voulons travailler sur des applications industrielles, en testant sur des problèmes simplifiés comment utiliser des algorithmes quantiques et ce qu’ils peuvent apporter ».

« Comment utiliser un véritable ordinateur quantique, dans toute sa complexité, pour la simulation et la modélisation, notamment en sismique. » Enfin, des travaux transverses entre l’algorithmie et le hardware seront menés. Le but est de travailler en co-design avec les constructeurs de machines.

C’est le cas d’un partenariat entre Total et Atos pour fournir un environnement Atos QLM afin d’optimiser les codes quantiques pour des hardwares quantique, pour utiliser des « quantums programminig libraries », pour que les utilisateurs puissent développer leurs algorithmes, compiler, simuler…

LE RAPPORT « QUANTIQUE : LE VIRAGE TECHNOLOGIQUE QUE LA FRANCE NE RATERA PAS ».

Ce rapport tant attendu par toute la communauté française du quantique.

Le rapport de la députée Paula Forteza « Quantique : le virage technologique que la France ne ratera pas » exposé par la présence de deux co-rapporteurs du rapport, Iordanis Kerenidis, Directeur de recherche CNRS et Neil Abroug, HPC, Quantum Technologies and Simulation Programme Manage.

Quelques jours après la sortie du rapport, notre conférence a eu lieu. C’est dans ce cadre que Iordanis Kerenidis et Neil Abroug nous ont émis les grandes lignes directives et les principaux objectifs du rapport.

L’un des principaux objectifs est de définir une politique nationale sur la question, afin de garantir la souveraineté technologique de la France.

Entre financement de la recherche, formation et partenariats industrie-recherche, il comporte 37 propositions pour définir une « stratégie nationale ambitieuse » comme sur le calcul quantique, la cybersécurité quantique et post-quantique, et les capteurs quantiques.

Ils nous ont également annoncé la création de trois « Hubs Quantiques » comme étant un levier déterminant du brassage interdisciplinaire. L’un à Paris, à Saclay ainsi qu’à Grenoble.

LA CYBERSÉCURITÉ

Les menaces sur les dispositifs de sécurité existants : La cryptographie quantique et post-quantique, les différences entre les deux et pourquoi elles sont stratégiques pour protéger les communications d’aujourd’hui et de demain.

Nous avons pu bénéficier des explications et des retours d’expériences de Romain Alléaume, enseignant-chercheur à Télécom Paris, cofondateur de la startup SeQureNet, diplômé de l’ENS et de Télécom Paris, pour la partie concernant la cryptographie quantique et la cryptographie. Et ceux de Philippe Campagne-Ibarcq, chercheur à l’INRIA sur la correction d’erreur quantique, pour aborder les notions fondamentales sur les bits quantiques avec contrôleurs d’erreur et les bits quantiques dits « parfait » dans le but de protéger nos communications.

Cependant nous ne sommes pas à l’abri de l’arrivée de l’ordinateur quantique.

L’une des premières applications de l’ordinateur quantique est le décryptage de clés utilisées pour chiffrer les informations : ce faisant, il met en risque les communications, les systèmes de paiements, la validation des transactions financières…

Ces clés sont en effet basées sur la difficulté à factoriser en nombres premiers des très grands nombres, problème qui est justement l’une des capacités fondamentales de l’ordinateur quantique : l’algorithme de Shor (1994) a été spécifiquement conçu à cet effet. Il n’est toutefois pas encore temps de paniquer, cette application ne devrait pas être envisageable avant une bonne dizaine d’années compte tenu de la complexité des clés actuelles. Il est en revanche temps de trouver des solutions qui résisteront à ce type d’attaque devenue triviale. Les recherches pour définir cette cryptographie post-quantique sont en cours et comme souvent, le passage de la théorie à la pratique avec un bon niveau de standardisation sera probablement compliqué.

Durant le cocktail qui a suivi la conférence, de nombreux et riches échangent ont permis d’approfondir certains points et de mettre en relation les intervenants et les participants dans une ambiance chaleureuse.

Le Télécom ParisTalks « Ordinateur quantique et cryptographie post-quantique : quand l’ingénierie prendra t’elle la place de la recherche ? » a été un véritable succès.

En forme de synthèse

  • L’informatique quantique va être source de progrès dans tous les secteurs : la finance et les industries, puis elle sera un catalyseur de découvertes pour la recherche.
  • Elle fait peser un risque majeur sur la cybersécurité, en menaçant de rendre inopérants les systèmes de chiffrement actuels. Elle est également source de solutions pour la sécurisation de nos communications.
  • L’Europe a tout intérêt à maîtriser la technologie quantique pour rester dans la course, garder sa souveraineté et ainsi se préserver de certains risques (transfert des activités de R&D vers les USA ou la Chine, perte de productivité, incapacité à protéger ses communications sensibles telles que le renseignement ou l’intelligence économique…).
  • L’Europe a besoin d’une impulsion majeure de la part des États pour devenir un acteur de premier plan à l’échelle mondiale : il est nécessaire de déclencher un plan massif pour stimuler les investissements, poursuivre les efforts de formation, en coordonnant encore mieux l’ensemble des parties prenantes.
  • La France occupe aujourd’hui une place de choix au sein de l’écosystème quantique européen : les start-up et industriels français doivent transformer la technologie quantique en usages et en saisir immédiatement les opportunités ; les fonds d’investissement ont quant à eux un rôle clé dans le décollage des technologies émergentes.


Les intervenants


Romain ALLÉAUME

Enseignant-Chercheur
Télécom Paris


Henri CALENDRA

Projet calcul quantique
Total

 


Philippe CAMPAGNE-IBARCQ

Chercheur
Inria


Philippe DELUC

CTO Big data & sécurité
Atos


 


Iordanis KERENIDIS

Directeur de recherche
CNRS


Olivier TONNEAU

Partner
Quantonation

 

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Auteur

Mastère Spécialisé ARC - Architecte Réseaux et Cybersécurité

De formation initiale en ingénierie réseaux, j’ai toujours mis un point d’honneur à faire évoluer ma carrière en accordant une place importante à la sécurité des systèmes d’information. Au cours de mes expériences professionnelles, j’ai exercé des postes en tant que responsable de département informatique, chef de projet technique dans le cloud computing dans divers secteurs.

Actuellement, je suis Responsable Sécurité des systèmes d’information au ministère de l’Intérieur, Police aux frontières.

Diplômée d’un MS ARC en 2018, Architecture Réseaux et Cybersécurité, j’ai pu approfondir mes compétences et donner un nouvel élan à ma vie professionnelle dans un cadre d’excellence.

Depuis 2019, je copréside le groupe cybersécurité Télécom Paris alumni. Je suis également

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