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10 juillet 2020

Accessibilité numérique et traitement automatisé du langage

lnaccessible, c'est inaccepatble : quelles solutions technologiques en faveur d'une information pour tous ?

Un français sur six est concerné par des difficultés de compréhension de l’information écrite et cette part augmente lorsqu’il s’agit de ressources numériques.


La récente pandémie de COVID-19 est venue exacerber cette exclusion par l’information :

L’annonce d’un confinement strict au niveau national par le Président de la République a été prononcée à la télévision (avec sous-titres et langue des signes) le 16 mars. La première attestation de déplacement dérogatoire véritablement accessible à tous – rédigée en Facile À Lire et à Comprendre (ou FALC : une méthodologie proposant un français accessible) - n’a été publiée que le 1er avril. D’autres associations ont pris en charge manuellement des transcriptions indispensables (LSF, LFPC, etc.)1, mais le constat est simple : L’information est encore loin d’être accessible à tous.

Comment espérer que chacun, peu importe sa situation, soit non seulement renseigné mais aussi protégé s’il n’a pas accès à l’information ?

Chantal Fuvel, Meryl Merran, Erwan Boehm et Paul Poupet qui travaillent sur ce sujet ont développé Accessibilis, un traducteur automatique favorisant l’accessibilité du numérique. Ils ont présenté une application de leur outil lors d’un « hackathon » sur le Covid-19 et ont été lauréats dans leur catégorie.

Inaccessible c’est inacceptable

Le numérique a permis à un grand nombre de personnes d’avoir accès à l’information de manière extensive, mais cette promesse cache un grand nombre de disparités : fracture numérique (inégalités d’équipement, de couverture réseau et de maîtrise des outils informatiques), illettrisme, handicaps moteurs/sensoriels/cognitifs, etc.

Selon une étude de l’INSEE réalisée en 2011, 16% de la population française (30 % si l’on prend l’ensemble de la Francophonie, et bien plus si l’on intègre les victimes de la fracture numérique) est concernée par des difficultés de compréhension de l’information présentée à l’écrit. À ces chiffres s’ajoutent l’ensemble des personnes qui souffrent de la fracture numérique.

16 % ce n’est pas seulement une statistique, c’est environ un français sur six.

Les services publics, les entreprises et les différents éditeurs ont tous une responsabilité sociétale mais aussi un intérêt certain à proposer des solutions d’accessibilité numérique. Il s’agit d’améliorer leur capacité à communiquer avec leurs employés, leurs usagers, leurs prospects.

L’effort qui a débuté avec l’adaptation des sites physiques doit s’élargir au numérique, pour proposer une société plus inclusive.

L’accessibilité numérique en 2020

Un pas a déjà été franchi en 2016 avec l’adoption de la directive européenne relative à l’accessibilité numérique et la norme européenne EN 301549 qui vise à rendre les produits et services TIC (sites web, logiciels, appareils numériques...) accessibles à tous, et notamment aux personnes à capacités réduites.

L’initiative européenne a été entérinée en France par le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019, relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne. Sont concernées les administrations et les entreprises (CA > 250 m €), selon les normes RG2A (Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations). Les sites internet (d’information ou de services), sites intranet et extranet, progiciels, applications mobiles et de mobilier urbain numérique (comme les distributeurs de titres de transport) sont ainsi supposés être conformes à ces normes.

Enfin, la norme internationale WCAG (Web Content Accessibility Guideline) de 2018, fixe les règles élaborées par l’organisme de standardisation du web (W3C ou World Wide Web Consortium) pour l’accessibilité des contenus web, pris en compte très largement dans la SEO (Search Engine Optimization ou indexation) d’un site internet.

Pour définir une méthode de transcription en un français accessible, la norme FALC (Facile À Lire et à Comprendre) a été proposée. Elle comprend un ensemble de règles ayant pour finalité de rendre l’information accessible, notamment pour les personnes souffrant de handicap. Avancée remarquable, cette méthode est cependant très lourde à mettre en place, peu cadrée, et son utilisation pendant la crise met en exergue l’inadéquation d’une méthode manuelle face à la quantité quotidienne d’information. De même l’existence d’un site « normal » et d’un site « pour les personnes en situation de handicap » n’est pas inclusif.

Certaines solutions ponctuelles existent, mais la plupart n’ont pas résolu les problématiques de méthodologie de transcription, d’automatisation, de conservation du sens, de personnalisation et d’adaptation nécessaires à la diffusion d’un standard. Force est de constater qu’aujourd’hui la plupart des contenus disponibles sur Internet (ou physiquement) ne sont pas accessibles pour une partie de la population, et que les méthodologies et normes proposées (RG2A, FALC, etc.) mériteraient d’être approfondies. Cela soulève une question : à quoi doit ressembler un site inclusif ? Ces réflexions existent à divers niveaux, institutionnels mais aussi techniques (« Le pouvoir du Web est son universalité. Qu’il soit accessible par n’importe qui quel que soit son handicap est un de ses aspects essentiels ». Tim Berners Lee - Inventeur du World Wide Web). C’est à partir de ces problématiques que s’est développé Accessibilis.

Outil d’aide à la rédaction Accessibilis

Accessibilis.fr

Accessibilis, spin-off de la hacker house Seed-up (cf. encart), a développé un traducteur automatique (outil de transcription et plug-in web interactif) permettant d’adapter en temps réel un contenu (document/vidéo/site) afin de le rendre accessible aux personnes présentant un déficit cognitif/moteur/sensoriel (personnes en situation de handicap) ou présentant un déficit de compréhension de la langue française (personnes allophones, dyslexiques, illettrées).

Comment ça marche ?

1) Sur l’outil d’édition, l’éditeur sélectionne un contenu (un texte, une url, un pdf, etc.) et les difficultés du public visé.

2) L’outil suggère automatiquement, grâce à un ensemble de règles de syntaxe, de dictionnaires et d’algorithmes de traitement automatisé du langage (NLP), des adaptations textuelles, visuelles (disposition, génération de pictogrammes, etc.) et ergonomiques (voix de synthèse, avatar LFPC, etc.).

3) Le plugin permet de proposer à l’utilisateur final un site adapté et des interactions favorisant son accessibilité pour tous.

Déjà testé au sein de la BNP et présenté à des associations spécialistes (Les Papillons Blancs, FFDYS…), Accessibilis continue de développer son outil et de le déployer au sein d’entreprises et bientôt de services publics. Accessibilis propose autant des adaptations de documents ou sites sur mesure que l’intégration de leur moteur de transcription dans le SI de ses clients.


Références

1 LFPC (Langue Française Parlée Complétée). Vidéos en LFPC par Alice Bossu :
https://youtu.be/VlhWE9nEtKs
Web Accessibility for People with disabilities - Michael G.Paciello
FALC : https://easy-to-read.eu



Paul POUPET

Ingénieur Centralien spécialisé en systèmes complexes d’information, et fondateur de la Hacker House Seed-Up.
@seedup_io


Seed-Up est une Hacker-House : une maison-atelier qui permet à des chercheurs, ingénieurs, développeurs, et designers, de se consacrer au développement d’inventions technologiques et d’approfondir ensemble leurs domaines d’expertises. Seed-Up met ainsi au service de grands comptes comme Total, Thales, Hermès, etc, l’expertise technique de ses membres (développement, algorithmes d’apprentissage, robotique, IHM, etc.) et leur capacité à créer des innovations. Salariés de la Hacker House, nos membres sont aussi associés aux projets qu’ils inventent comme Moore, smartphone doté d’un stockage illimité ou Accessibilis, un transcripteur automatique favorisant l’accessibilité numérique.

seed-up.io

 

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Auteur

Paul Poupet

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