Le numérique en temps de crise - Le digital hominum
Cette triste période de confinement aura été égaillée par une bonne nouvelle : le développement des pratiques à distance. Télétravail, téléenseignement, téléconsultation, visioconférences d’entreprises ou privées… les français ont enfin massivement adopté les pratiques numériques. Et les réseaux ont tenu !
Le « digital hominum » est devenu réalité. Mais est-ce le cas de tous ? qui sont les laissés pour compte ? Cette expérience en grandeur nature d’une nouvelle société, aura également été l’occasion d’étudier les limites de notre transformation numérique.
Il est traditionnel de dire qu’en France 12% de la population est éloignée du numérique. Pour moitié pour des raisons culturelles, d’âges, de volontés, de capacités financières … l’autre moitié pour des raisons techniques. Notre propos concerne ici cette seconde population, bien qu’il y aurait également beaucoup à dire sur le premier groupe. Alors comment qualifier l’accès aux outils numériques ?
Il y a ceux qui habitent dans des zones d’ombres dûment répertoriées, souvent en secteur rural, mais également parfois en plein centre de grandes villes. La situation est simple : aucun signal, si ce n’est qu’un hypothétique signal satellite ou le bon vieux téléphone analogique tant qu’il fonctionne encore. Les populations rurales ont l’habitude des promesses non tenues : routes, électricité, services publics, Internet ... Tout est l’avenant.
À l’autre extrémité du spectre de la satisfaction numérique, il y a les « nantis du numérique », ceux qui souvent en zone urbaine se voient proposés pléthore de solutions : FttH, FttB, ADSL de bonne qualité, 4G, ... Ces « nantis du numérique » perturbent les statistiques, car les différents modes de connexions étant comptabilisés indépendamment, leur foyer pèse pour deux ou trois dans les statistiques. Ce qui permet des affichages glorieux dans les comparaisons internationales.
Entre ces deux cas extrêmes vit une large population, couvrant tous les types d’habitats. Celle où l’Internet n’est pas « que parfois » suffisant pour répondre aux besoins du « digital hominum ». Sur les sites d’éligibilité : une couverture fixe et/ou mobile assurée, mais dans la réalité de la pixellisation, des ralentissements, des visio qui décrochent, un triple play privé de télévision, … Le consommateur se sent alors floué. L’écart est parfois grand entre le débit théorique et la pratique notamment en Internet mobile ou en ADSL, et la fibre se fait attendre. Ainsi, les cartes de couvertures mobiles sont pourtant encourageantes mais elles ne prennent pas en compte la traversée des murs, et les performances des réseaux fixes n’anticipent pas les ralentissements ponctuels liés à des surconsommations de streaming… Les raisons de ces insuffisances ne sont pas que du côté des opérateurs, le Wifi domestique ou de mauvais paramétrages des terminaux sont également parfois fautifs. Combien de personnes sont concernées ?
Il est temps de passer de la couverture théorique à la qualité ressentie. Passer des cartes de prévision de performances, conçues par les opérateurs ou le régulateur, à la mesure de la qualité de l’expérience utilisateur. L’idéal serait certainement de rendre contractuel le niveau de service, mais la chose semble encore trop complexe. Des outils peuvent exister sur les box pour analyser la qualité de la connexion, mais le consommateur en sera-t-il le bénéficiaire ? Pour les mobiles, les sites de simulation devraient se doter de filtres adaptant la couverture en fonction de la nature de l’environnement de réception : extérieur, habitat traditionnel, habitat moderne (avec structure métallique) ...
Les télécommunications sont certainement l’un des derniers secteurs, où le consommateur découvre la qualité du service après l’achat. Incompatible avec le « digital hominum ».
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