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30 décembre 2020

Faire de la France une puissance de premier plan en matière d'innovation de rupture

Publié par Christophe STROBEL et Maximilien Marek | N° 199 - LE NUMÉRIQUE DANS L' AÉROSPATIAL - LES DEEPTECH

Le plan deeptech traduit le potentiel de la France à davantage valoriser sa recherche, mais aussi les barrières justifiant une intervention publique.


L’INNOVATION DE RUPTURE : ENJEU DE CROISSANCE ET DE SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUES

La France a mis en place depuis plus d’une quinzaine d’années une politique ambitieuse de soutien à l’innovation, s’appuyant sur des financements publics très importants, qui sont passés d’environ 2 Mds € par an en 2005 à désormais 9,7 Mds € par an. Cette dynamique a permis de faire émerger des écosystèmes de plus en plus performants et de soutenir la R&D des entreprises et la croissance des PME innovantes. Dans le prolongement des différentes actions initiées notamment au travers des Programmes d’Investissements d’Avenir, le Gouvernement s’est fixé en 2018 une feuille de route, qui ambitionne de positionner la France en tant que puissance de premier plan en matière d’innovation de rupture, facteur de croissance sur le long terme et de souveraineté économique.

Composante de cette stratégie, le plan Deeptech vise à accroître le nombre de start-up à forte intensité technologique. Pour la plupart issues de la recherche fondamentale, celles-ci se caractérisent par des développements avec de fortes barrières à l’entrée et une forte intensité capitalistique, résultant du développement de technologies coûteuses et d’une mise sur le marché plus lointaine et plus risquée que les autres entreprises du secteur, justifiant ainsi un soutien spécifique[1].

L’objectif est de parvenir d’ici cinq ans à la création de 500 start-up Deeptech par an, contre environ une centaine aujourd’hui. Ambitieux, cet objectif n’en reste pas moins réaliste. Au-delà de l’écosystème de start-up créé depuis cinq ans, la France dispose d’atouts reconnus au travers d’une recherche académique d’excellence. La France se place ainsi au 7e rang mondial pour les publications scientifiques, consacre 2,24 % de son PIB à la R&D (6e rang mondial), et possède des instituts de recherche et universités de renommée mondiale (CNRS, CEA, INSERM, INRIA, INRA, Institut Pasteur, Sorbonne Université, Université Paris-Saclay, IPP, ENS, etc.). Ces atouts français conduisent ainsi 88 % des investisseurs à juger que les perspectives de croissance Deeptech en France sont supérieures à celles des autres pays européens[2] et [3].

DONNER AUX START-UPS DEEPTECH LES MOYENS FINANCIERS ET HUMAINS DE LEUR CROISSANCE, DU LABORATOIRE JUSQU'AU STADE DE L'INDUSTRIALISATION.

Sans équivalent au niveau européen par sa forme et les montants financiers en jeu, le plan Deeptech s’inscrit dans une approche résolument « systémique », en mettant en œuvre l’ensemble des leviers, pas seulement financiers, mais aussi normatifs, pour favoriser l’émergence et la croissance de ces entreprises :

  • développer l’entrepreneuriat des chercheurs. La loi Allègre de 1999 a posé les fondations en la matière. Près de vingt ans après, la loi PACTE a introduit de nouvelles mesures de nature à renforcer les passerelles entre la recherche et l’entrepreneuriat (cumul d’activité, droit de conserver une part minoritaire de l’entreprise, suppression de la saisine automatique de la commission de déontologie) ;
  • renforcer le transfert technologique. Malgré un soutien conséquent à l’innovation, la France éprouve encore des difficultés à valoriser les résultats de sa recherche sous forme d’activité économique. Le plan Deeptech permet de consolider les structures et écosystèmes de transfert, d’assurer la montée en puissance des organismes d’accompagnement, ainsi que d’accroître la robustesse et la sécurité des titres français de propriété industrielle (évolution du certificat d’utilité et des marques, droit d’opposition, critère d’activité inventive) ;
  • financer la création et les projets de R&D des start-up : un continuum de financements a été mis en place à tous les stades de développement des Deeptech, avec des aides pouvant atteindre jusqu’à 2 M€, en adéquation avec leurs besoins ;
  • accélérer leur croissance et la structuration du marché du capital-risque Deeptech : depuis 2014, le marché du capital-risque français s’est considérablement renforcé et structuré. Pour autant, le segment de la Deeptech fait singulièrement l’objet de tensions tenant à la spécificité technologique de ses entreprises nécessitant une expertise particulière et à leurs perspectives de croissance appelant à une plus grande profondeur de marché. Dans cette perspective, l’État s’attache à structurer ce marché par des investissements dans des fonds ;
  • attirer des talents internationaux : des mesures d’accompagnement et d’attractivité dirigées notamment vers les chercheurs étrangers souhaitant créer leur entreprise en France ou travailler au sein d’une start-up ont été lancées en 2020 et vont être renforcées par les dispositions de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

L’ÉCHELON EUROPÉEN EST INDISPENSABLE POUR FAIRE CROITRE LA DEEPTECH

Au total, le volet financement représente un effort sans précédent de 2,5 Mds € sur cinq ans. Il a été conçu en tenant compte des instruments européens, afin d’assurer la meilleure complémentarité possible, l’échelon européen étant indispensable lorsqu’il s’agit de faire croître ces entreprises. À cet égard, il convient de souligner le volet Accélérateur du Conseil européen de l’innovation (EIC), qui soutient les projets d’innovation de rupture. Son intervention ne se justifie qu’en cas de défaillance du marché financier. Les résultats des entreprises françaises aux premiers appels à projets sont très encourageants et témoignent du vivier remarquable d’entreprises à fort potentiel de croissance. Au-delà de ces financements par projets, la mise en place d’une union des marchés de capitaux ressort comme un impératif pour faciliter l’investissement transfrontière et, partant, soutenir les projets à long terme.


Christophe STROBEL

est directeur de projets « innovation de rupture et industrialisation de la R&D » à la Direction générale des entreprises. Il a été rapporteur du collège d’experts présidé par Benoît Potier, PDG d’Air Liquide, chargé d’identifier les filières émergentes à fort contenu technologique (« Faire de la France une économie de rupture technologique », février 2020).
Formation : ENS Cachan, Agrégation, ENA.


Maximilien MAREK
est chargé de mission sur la politique Deeptech.

Formation : IEP Paris.


Références

[1] Besoins les plus critiques pour les start-up Deeptech : financement 80 % ; accès au marché 61 % ; expertise technique (39 %) ; expertise business 26 % ; accès aux infrastructures 23 % ; talents 22 %. Source : enquête Hello Tomorrow et BCG auprès de 400 start-up Deeptech.

[2] Source : Wavestone Deep tech Global Investor Survey 2017.

[3] La France se positionne au 2e rang européen (nouveau record européen avec 28 Mds € levés, contre 19,2 Mds € en 2018, représentant une croissance de près 45 %) et rattrape progressivement le Royaume-Uni en termes de montants globaux investis (late stage mis à part), qui ont été multipliés par quatre en cinq ans, de nombre d’opérations (deals) et de montant moyen des tickets.

Auteurs

Christophe STROBEL
Maximilien Marek

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