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30 décembre 2020

De la French Tech à DeepTech

La France a, en quelques années, sous l’impulsion de l’État et de Bpifrance, fait émerger un écosystème d’innovation extrêmement dynamique et vertueux. L’enjeu actuel est de répliquer le succès de la French Tech sur les Deeptech, ces technologies de ruptures, porteuses de solutions aux grands enjeux sociétaux et déterminantes pour la compétitivité future de notre industrie.


Le succès de la French Tech, un nouveau modèle de développement de l’innovation

La révolution numérique a fait exploser les barrières à l’entrée. Nous sommes passés de l’innovation verticale à l’innovation horizontale : les centres de R&D avec leurs programmes de longue haleine à forte intensité capitalistique ont fait place à l’entrepreneuriat et aux écoles de code.

Dans un monde de complexité, la structure startup fournit l’agilité et la rapidité pour trouver le bon couple produit/marché.

C’est pour tirer profit de cette nouvelle dynamique que la France a développé en quelques années, sous l’impulsion de l’État et de Bpifrance, un écosystème particulièrement attractif et propice à l’émergence et à la croissance de start-up innovantes.

La base du « tas de sable » s’est ainsi considérablement élargie grâce à la promotion de la French Tech et au financement massif des start-up françaises : depuis 2013, le nombre de start-up financées a plus que doublé, passant de 1800 en 2013 à 4200 en 2019, pour des montants passant de 747 M€ en 2013 à plus de 1,3 Md€ en 2019[1].

En parallèle, la croissance de cet écosystème de start-up a été portée par l’éclosion d’une industrie française du capital risque puissante et résolument ouverte sur internationale. Cette industrie compte aujourd’hui plus de 150 fonds, de l’amorçage au capital croissance. Leur taille moyenne dépasse les 220 millions d’euros, soit un doublement en 10 ans[2].
De plus, les retours sur investissements sont maintenant attractifs. Cette transformation s’est faite en partie sous l’impulsion de Bpifrance qui a eu un rôle structurant avec environ 500 M€ injectés par an en fonds de fonds sur la Tech.



Les start-up françaises trouvent donc de plus en plus, auprès de ces fonds français, mais aussi auprès de fonds étrangers notamment anglais ou américains, les moyens de financer leurs ambitions de croissance. En 2019, elles ont levé cinq milliards d’euros contre moins d’un milliard d’euros en 2014[4] et les levées de fonds supérieures à 20 M€ sont de plus en plus fréquentes (de trois en 2013 à 63 en 2019). Et le nombre de licornes françaises s’accélère (une dizaine) pour se rapprocher de l’objectif fixé par le Président de la République (25 licornes en 2025).

Enfin, le rapprochement des start-up avec les entreprises traditionnelles (source d’innovation et de compétitivité pour les entreprises traditionnelles et d’opportunité de croissance pour les start-up), élément clé de la réussite de cette politique d’innovation, est fortement recherché et favorisé.

Ainsi, la mise en place d’une stratégie systémique consistant à soutenir plus largement les entrepreneurs porteurs de projets innovants, à favoriser l’essor d’une industrie du capital risque forte, et à favoriser les connexions avec les entreprises traditionnelles devant réaliser leur transformation a porté ses fruits.



Le soutien des deeptech, nouvelle frontière de l’innovation

L’avenir de l’innovation se trouve dans la Deeptech[5]. Après une dizaine d’années d’innovation digitale, liée au smartphone et aujourd’hui relativement mature, et pour relever les enjeux majeurs qui se présentent à nous comme le changement climatique, la santé ou l’agriculture durable, nous avons la conviction que nous amorçons un nouveau cycle d’innovation issue de la recherche. Les technologies disruptives développées dans les laboratoires comme l’intelligence artificielle, les biotechnologies, les nanotechnologies, l’informatique quantique ou le stockage de l’énergie représentent des potentiels d’innovation et de transformation massifs pour notre industrie.

La France a toutes les cartes pour briller dans ce secteur : la qualité de notre recherche académique, le talent de nos entrepreneurs.
Il faut désormais réussir à ce que la recherche irrigue plus massivement et plus rapidement l’innovation de l’industrie, en particulier au travers des start-up. Il faut aider les chercheurs à créer des start-up avec des entrepreneurs chevronnés. Il faut également trouver des fonds pour financer ces nouvelles start-up. Enfin, il faut simplifier et standardiser le transfert de la propriété intellectuelle entre les laboratoires et les start-up.

L’État français l’a parfaitement compris en lançant en 2019 un Plan DeepTech, opéré par Bpifrance. L’objectif est d’accélérer cette transformation et de doubler la création de start-up DeepTech d’ici cinq ans, en rapprochant les mondes de la recherche et de l’entreprise et grâce à des moyens dédiés (plus de 2,5 milliards d’euros qui feront effet de levier sur le privé).

La France, futur leader européen de la Tech et de la DeepTech ?

Aujourd’hui, notre éco-système français d’innovation se positionne en seconde position européenne, derrière le Royaume-Uni et devant l’Allemagne. Mais il est encore jeune et doit se construire patiemment dans la durée (le succès de la Silicon Valley trouve ses racines dès les années 50). Avec le formidable relais de croissance que représente la Deeptech, avec la capacité de résilience de la French Tech face à la crise du Covid-19, notre écosystème d’innovation a tout à fait le potentiel pour devenir à terme leader européen. Il est donc fondamental de poursuivre cet effort collectif sur les prochaines décennies en unissant les forces des différentes parties prenantes de notre écosystème de start-up, à savoir (i) les entrepreneurs, qui en sont les forces vives (ii) l’État et son bras armé Bpifrance, déployant une action systémique de soutien, ainsi que (iii) les fonds de capital risque qui sont en les principaux pourvoyeurs de fonds.


Paul-François FOURNIER
X-Télécom Paris (1994), rejoint France Télécom en 1994 en tant qu’ingénieur d’affaires sur le segment Entreprises. En 2001, il devient directeur du Business Haut-Débit de Wanadoo où il assure le décollage en France puis en Europe des offres ADSL (en particulier avec le lancement de la Livebox). En 2011, il prend la direction du Technocentre d’Orange où il est en charge de l’innovation produit. Depuis avril 2013, il est le directeur exécutif de la direction Innovation de Bpifrance.

@paul_f_fournier

paulfrancoisfournier


Références

[1] Source Bpifrance.

[2] Source : Bpifrance – Étude fonds de fonds Capinvest.

[3] Source Bpifrance.

[4] Source Ernst & Young Baromètre du capital risque en France 2019.

[5] Par Deeptech, on entend les start-up en rupture technologique issues du monde académique, souvent incubées au cœur des pôles universitaires, basées des résultats de recherche et protégées par des brevets.

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