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31 mars 2020

Emery Jacquillat Lauréat du Prix du manager 2020

Publié par Emery Jacquillat | N° 196 - Numérique et Environnement

Comment avez-vous réussi à transformer la Camif en une entreprise du XXIe siècle plus locale, plus écologique et plus inclusive ?

Tout d’abord, cette transformation s’est effectuée grâce au choix d’adopter un projet à impact positif, pour le territoire, à Niort, où l’on a contribué à recréer 170 emplois, à travers l’implantation de notre siège social, l’ouverture d’un centre de relation clients, d’un centre logistique et d’une formation e-commerce. Ensuite, nous avons changé radicalement de modèle en passant du catalogue papier au e-commerce. L’offre a été recentrée sur l’équipement de la maison (mobilier, literie, linge de maison, électroménager…), en misant sur la qualité, le Made in France et le durable. Le numérique a été utilisé pour redonner le pouvoir aux consommateurs : la 1re innovation, primée par l’ADEME, a été la recherche par critères géographiques, sociaux et environnementaux. Pour redonner du sens à notre consommation, et utiliser notre pouvoir d’achat pour favoriser l’économie locale, nous avons soutenu des emplois en France, maintenu des savoir-faire et fait faire beaucoup moins de kilomètres aux produits : cela compte, surtout quand on sait que la moitié des 11 tonnes d’émission de CO2 par an et par français est liée à nos importations !           

Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de cette transformation ?           

J’ai cru que le simple fait de repartir de zéro, d’adopter une structure plate (organisation en mode projets) et d’être dans un grand open space ferait que les anciens collaborateurs de la Camif adopteraient assez vite une culture start-up. Au bout d’un an, j’ai compris que le changement de culture prendrait du temps. Et j’ai décidé de faire vivre à tous une expérience unique, pour libérer les énergies et faire passer des valeurs clés qui m’étaient chères, en tant qu’entrepreneur : l’audace, l’agilité, l’attention… Nous avons accueilli une artiste en résidence pendant 3 mois : Anne-Laure Maison s’est installée au milieu de l’open space. Nous étions sa matière première. Tous les jours, elle produisait des œuvres pour le moins surprenantes : un matin, elle avait taggué toutes les places de parking avec des noms d’artistes contemporains qu’elle aimait. Les collaborateurs sont allés immédiatement la voir : as-tu demandé l’autorisation ? Et non, dans une start-up, on prend des initiatives sans demander l’avis au dirigeant ! On expérimente... Une de ses œuvres m’a personnellement beaucoup marqué, en tant que manager : nous observant travailler, l’artiste était choquée de nous voir échanger des emails à longueur de journée, alors que nous étions tous à quelques mètres les uns des autres. Elle a eu l’idée géniale, dès qu’elle apercevait quelqu’un faire l’effort de se lever pour aller parler à quelqu’un d’autre, de le matérialiser au sol en scotchant une bande rose reliant les deux bureaux. Progressivement l’entreprise s’est tissée d’un réseau de bandes roses, nous rappelant l’importance du vrai échange.          

Ma leçon de manager du numérique : remettre l’humain au cœur et considérer que la vraie richesse d’une entreprise est sa capacité à créer du lien : entre ses collaborateurs, avec ses clients, ses fournisseurs, son territoire….           

C’est ce qui nous a mis sur la voie du tour du Made in France, où depuis 2014, nous allons à la rencontre des fabricants avec qui nous travaillons, en invitant nos clients et collaborateurs à échanger avec les ouvriers, découvrir leurs métiers, et travailler avec eux pour imaginer les nouveaux modèles. L’intelligence collective au service d’une économie locale, plus circulaire et inclusive.      

Comment l’évolution du numérique vous a permis de mener à bien ce changement ?

Le numérique offre une richesse incroyable pour recréer du lien entre les consommateurs et les producteurs. La transparence est au cœur de nos engagements pour sensibiliser à la consommation responsable. C’est aussi le meilleur moyen de regagner la confiance des consommateurs qui veulent tout savoir avant d’acheter : d’où ça vient, comment et par qui c’est fabriqué ? C’est ce que l’on trouve sur Camif.fr où l’on peut visiter l’usine avec des vidéos reportages les coulisses de la fabrication, où l’on affiche le nombre d’emplois du fabricant, l’origine des principaux composants, le nombre de kilomètres parcourus jusqu’à l’usine… Le numérique au service de la consommation responsable !

Quels conseils donneriez-vous à nos ingénieurs et entrepreneurs du numérique ?

Posez-vous la question : en quoi ce que je fais, l’intelligence que je mobilise, est réellement utile à la Société et à quels enjeux mon entreprise contribue ? Si vous n’avez pas de réponse, changez de projet ou d’entreprise. La révolution numérique n’a de sens que si elle est au service de la révolution de l’économie durable, pour résoudre les enjeux uniques et majeurs de notre temps, sociaux et environnementaux : dérèglement climatique, biodiversité, réduction des inégalités... Nous avons besoin de tous les talents pour mener à bien, et au plus vite, cette révolution.

 

 

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Auteur

Emery Jacquillat

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