LES STEM comme clé du succès pour un accès égal aux métiers du futur
Aujourd’hui le monde est en train de vivre de profonds changements et tout se modifie très rapidement à partir du marché du travail : comme l’a souligné Halima Jacob, Présidente de la République de Singapour, à l’ouverture du Women’s Forum Asia en 2018, 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore[1]. Les disciplines STEM – Sciences, technologies, ingénierie et mathématiques – sont à la base de ces métiers du futur. Elles sont de plus en plus présentes dans les éléments du quotidien de chacun et elles peuvent devenir un accélérateur de mixité.
En effet, la transition digitale avance à grands pas. En 2020, parmi les 10 métiers les plus recherchés en France, huit professions sont directement liées aux STEM : délégué·e à la protection des données, ingénieur·e en intelligence artificielle, community manager, ingénieur·e en fiabilité de site (SRE), spécialiste en cybersécurité, ingénieur·e DevOps, ingénieur·e data et data scientist[2]. Les métiers du futur sont par conséquent déjà les métiers d’aujourd’hui et la prépondérance des STEM y est évidente.
La pandémie de COVID-19 et ses terribles effets sur l’économie et la société l’ont montré : je suis convaincue qu’il faut que les femmes soient les leviers de cette transformation et qu’elles soient présentes à côté des hommes, là où elles peuvent avoir un impact positif.
Au Women’s Forum for the Economy & Society, nous promouvons le rôle des femmes à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Grâce à nos Daring Circles, groupes de travail pilotés par nos partenaires stratégiques – AXA, American Express, BNP Paribas, Bayer, Google, Microsoft, P&G et Publicis Groupe – et regroupant aussi bien des entreprises, des start-up, des pouvoir publics, des experts, des ONG ou encore de grandes institutions partenaires telles que l’OCDE et l’UNESCO, nous concevons des solutions innovantes sur les sujets où les femmes sont le plus affectées, mais où elles peuvent avoir un impact positif. Les Daring Circles visent à favoriser le leadership des femmes dans des domaines, tels que : Women4Climate, Women4Business, Women4Health et naturellement Women4STEM et Women4AI (Artificial Intelligence).
C’est en vertu de cet engagement et de ces importants travaux du Women’s Forum qu’à l’issue du G7 présidé par la France à Biarritz l’année dernière, j’ai été chargée de contribuer à enrichir le projet de loi Agir ensemble pour l’égalité femmes-hommes dans l’économie qui sera présenté cette année. Il s’agit d’une loi fondamentale qui donnera les mêmes atouts et les mêmes opportunités aux femmes et aux hommes dans les métiers d’avenir.
Car il faut avancer, et vite. A présent, seulement la moitié des femmes sont actives sur le marché du travail, contre 80 % des hommes[3], mais les études nous indiquent que 240 millions d’emplois seraient créés si l’égalité femmes-hommes était atteinte d’ici 2025[4]. Leur sous-représentation dans les professions du futur est un problème alarmant. En France, en 2019, uniquement 29 % des jeunes femmes en classe de Terminale ont choisi de se spécialiser en informatique, et 15 % d’entre elles en ingénierie[5]. De plus, dans le monde entier, les femmes ne sont que 24 %[6] à exercer des professions scientifiques et technologiques, que 22 % des concepteurs d’algorithmes[7] et que 11 % des employés dans la cybersécurité[8]. Encore, elles ne sont pas assez impliquées dans les actions de lutte contre le changement climatique et dans la création d’une véritable économie verte.
Je me bats pour que les femmes ne soient pas laissées à l’écart : les compétences STEM donnent une longueur d’avance dans toutes les professions car elles sont source d’innovation et de créativité. Il est donc impératif d’éduquer aux STEM en utilisant les STEM car ces disciplines touchent toutes les dimensions de la société, telles que la formation, la consommation, la santé, la mobilité et plus généralement les conditions de vie.
J’ai voulu afficher ce fort message dans le Rapport « Les femmes au cœur de l’économie », que le 5 février dernier j’ai eu l’honneur de remettre au Gouvernement dans le cadre de ma mission, en présence de Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie et des Finances, Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Marlène Schiappa, à l’époque Secrétaire d’État auprès du Premier Ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Cédric O, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Économie et des Finances et du Ministre de l’Action et des Comptes publics, chargé du Numérique, et Agnès Pannier-Runacher, à l’époque Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Économie et des Finances.
Dans ce Rapport j’ai été déterminée à présenter 27 recommandations phares qui soient réalisables, concrètes et pragmatiques et qui puissent avoir un impact rapide pour augmenter le nombre de femmes dans les STEM tout au long de la vie, de l’école primaire aux plus hauts postes à responsabilité.
À mon sens, cela passe par la construction de l’identité scientifique des jeunes filles, l’implication des parents, et un accompagnement adéquat de leurs choix d’études, y compris des études supérieures. Mais cela signifie aussi retenir les femmes dans ces emplois et assurer à toutes une évolution de carrière attrayante. Si l’on veut vraiment attirer et retenir les talents féminins dans les STEM, je suis persuadée qu’il est essentiel de favoriser un meilleur équilibre des temps de vie. Une mesure efficace serait de rendre obligatoire le congé paternité de 11 jours, dont 2 dans la période juste avant l’accouchement.
Enfin, parmi les politiques que j’ai préconisées, j’ai tenu à en proposer certaines visant à valoriser totalement les parcours STEM. Je crois fermement qu’il faut garantir l’accès des femmes à des postes stratégiques dans la gouvernance, notamment en établissant des quotas obligatoires de 30 % de femmes issues des STEM dans les CA d’ici 2025 et d’ici 2030 dans les Comex.
Imaginons une France, pays d’ingénieurs, devenue aussi un pays d’ingénieures !
Une France où les femmes soient développeuses d’intelligence artificielle, vigies de la cyber sécurité, inventeures de nouvelles façons de consommer, mais aussi aux commandes des investissements stratégiques, au cœur de la conception des villes – où vit 60 % de la population – de la mobilité du futur, en première ligne contre le changement climatique, expertes en énergie et en infrastructures…
Il s’agit d’une question de justice, d’équité, mais aussi de performance économique: plus de leadership féminin dans les STEM est synonyme de croissance, d’innovation, de créativité, de richesse, d’attractivité et de compétitivité.
Au Women’s Forum, notre défi est maintenant de porter ces idées dans les majeures arènes politiques, sociétales et économiques, en France comme dans le monde entier, jusqu’aux instances du G7 et du G20. Dans cet esprit, le Women’s Forum lance un Call to Action aux Leaders du G7. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du thème fédérateur Beyond recovery: designing an inclusive world, qui sera au centre du Global Meeting du Women’s Forum des 18 et 19 novembre prochains.
Ainsi, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et d’énergie que nous agissons, au Women’s Forum, pour faire bouger les lignes pour que les femmes contribuent pleinement à construire un monde meilleur pour tous.
Références
[1] Emerging technologies’ impact on society & work in 2030, Dell & Institut du Futur, 2017
[2] France 2020 : les métiers les plus recherchés, LinkedIn, 2019
[3] Closing the gender gap, IMF, 2019
[4] How advancing women’s equality can add $12 trillion to global growth ?, McKinsey, 2015
[5] Système d’information Scolarité et enquête n° 16 auprès des établissements privés hors contrat, MENJ-MESRI-DEPP, 2019
[6] The Industry Gender Gap, World Economic Forum, 2016
[7] Assessing Gender Gaps in Artificial Intelligence, World Economic Forum, 2018
[8] Cybersécurité et Numérique : Où sont les femmes ?, Forbes 2018
Chiara CORAZZA
Directrice Générale du Women’s Forum for the Economy & Society.
Auparavant, elle a été Directrice Générale de Paris – Île-de-France Capitale Economique, l’agence d’investissement du Grand Paris (2002-2016). En tant que Directrice des Affaires Internationales à la Région Île-de-France (1985-2002), elle a créé Metropolis et mis en œuvre la coopération entre Paris et 20 capitales mondiales.
Chiara Corazza est Conseillère du commerce extérieur de la France et membre du Arab International Women’s Forum. Elle est également membre du Conseil consultatif de l’OCDE et du Business for Inclusive Growth du Réseau BSR.
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chiaracorazza