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29 juillet 2021

Editorial INTERNET ET SOCIÉTÉ

 Secrétaire d'État


Le développement d’Internet puis du World Wide Web a été sans conteste le vecteur de changements sociétaux, économiques et politiques considérables. À tel point qu’il est possible d’assimiler les mutations engendrées à celles d’une nouvelle révolution industrielle.

En traitant de la relation entre Internet et société, ce numéro de la revue de l’association Télécom Paris alumni désigne le chemin parcouru, les espoirs déçus et les défis majeurs, actuels ou à venir, que l’ère de la maturité numérique impose à nos sociétés.


À l’heure où Internet tend à se diviser entre un modèle ultra-libéral dogmatique au détriment des réalités humaines et un modèle autoritaire dans lequel un État central se fait ordonnateur, il est primordial de rappeler ce qu’était l’utopie démocratique de l’Internet ouvert à ses débuts.

C’est bien en faisant l’exégèse de ce projet, en étudiant ses mutations et revirements, qu’une troisième voie, européenne cette fois, pourra nous permettre de nous engager pour nous assurer qu’Internet restera libre et continuera d’être un outil sûr et démocratique au service de l’innovation et des citoyens.

Raconter l’histoire d’Internet, c’est aussi rappeler que, grâce à ses chercheurs, la France a été parmi les précurseurs des transmissions de données. Le réseau Transpac puis le développement du Minitel parallèlement à Internet démontrent que l’exceptionnalisme technologique n’a pas lieu d’être et que la relation entre Internet et société doit être abordée avec rationalité.

Comme le met en avant cette revue, les enjeux de régulation du numérique imposent à leurs observateurs et aux décideurs publics d’arpenter une ligne de crête changeante et escarpée. Alors que l’usage d’Internet a pu parfois donner l’espoir d’un renouveau démocratique, il laisse désormais poindre une remise en cause des fondements du débat public dans la Cité.

Si les grands réseaux sociaux sont devenus de véritables agoras publiques et ont eu des effets significatifs sur nos rapports sociaux et notre manière de nous informer, ces acteurs privés n’assument pas les responsabilités démocratiques et juridiques que leur rôle implique et impose. Lorsqu’une partie croissante de nos vies dépend du numérique, ceux qui en maîtrisent les « codes » détiennent le pouvoir : c’est pourquoi le régulateur ne peut plus se permettre de s’en remettre au laisser-faire, comme cela a trop longtemps été le cas. Ce nouvel horizon passe notamment par une approche renouvelée de la régulation économique des géants d’Internet et par un contrôle plus démocratique des règles sur les réseaux sociaux.

La crise sanitaire que nous traversons a confirmé qu’Internet est devenu une condition sine qua non de la résilience de notre société. Cependant, cette nouvelle relation peut aussi perturber les équilibres établis : la généralisation du télétravail en est l’un des exemples les plus frappants, tant il modifie notre approche à la mobilité, au monde de l’entreprise et à notre vie privée.

L’émergence de nouvelles tendances technologiques révèle que le bouleversement de nos vies engendré par Internet n’est pas achevé. Face aux défis à venir, comme pour ceux d’aujourd’hui, seule devra prévaloir une approche raisonnée de la technologie, excluant le rejet de principe, tout en tempérant la tentation du solutionnisme numérique.


 


Cédric O est diplômé d’HEC. Il a été assistant parlementaire puis conseiller de Pierre Moscovici. Conseiller du Président de la République à partir de 2017, il a été nommé Secrétaire d’État chargé du Numérique en 2019.

Auteur

Cédric O

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