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24 avril 2022

L’internet bas débit !

L’internet des objets (IoT) porte dans sa dénomination un contresens, car il ne s’agit pas de connecter des objets avec le cloud, mais d’acquérir des données provenant du monde physique ou analogique. Pour convertir des données physiques en données digitales il faut des capteurs qui seront portés par des objets. Dans ce cas, l’objet est un mal nécessaire ainsi que le réseau pour transporter ces données vers le cloud.


La transformation industrielle a besoin de nouvelles données qui devront être collectées avec précaution. Le coût de production d’une donnée (développement, fabrication et installation de l’objet, connectivité, stockage et traitement de la donnée) doit être inférieur à la valeur que représente la donnée pour son propriétaire. La valeur d’une donnée est rarement précise, elle dépend d’un contexte, d’une précision sur sa valeur et de la fréquence à laquelle on souhaite l’acquérir (datamorphose.fr).

Dans de nombreux cas, la valeur de la donnée est faible, mais son volume est important. C’est pour cela que de nouveaux réseaux « LPWA » ont été inventés. L’acronyme LPWA (Low Power Wide Area) ne signifie pas grand-chose. Il signifie que la consommation énergétique est un enjeu majeur pour des capteurs autonomes en énergie. Les OPEX (Operational Expenses) des réseaux sont indirectement clés, car elles vont induire les coûts de connectivité.

En 2010, Sigfox a introduit le concept de réseau à bas débit, alors que l’on pensait que « qui peut le plus, peu le moins ». Dans une approche holistique, ce proverbe perd sa vérité, et quelques années après des technologies sont venues se positionner sur cette proposition de valeur dédiée au transfert de petits messages. La complexité des enjeux et des contraintes relatives aux communications sans fil est telle que peu de clients en perçoivent les tenants et aboutissants.

En 2014, pléthore de solutions sont venues se positionner sur le marché de l’IoT, focalisant les débats sur les solutions technologiques plutôt que sur le thème du ROI (Return on Investment). Déployer une solution pour connecter des actifs au système d’information de l’entreprise nécessite des investissements importants. Il devient impératif d’aider les clients à passer de l’intuition à une conviction sur le ROI de leur investissement.

Les déploiements massifs attendus n’ont pas réellement eu lieu: Sigfox enregistre 20 millions d’objets sur son réseau global et l’alliance Lora doit enregistrer 10 millions d’objets sur la totalité de ses réseaux. Les technologies cellulaires NB-IOT, LTE-M revêtent de l’intérêt quand les volumes de données dépassent la centaine d’octets et que la valeur de la donnée dépasse un seuil supérieur à 10 € / an. Globalement, on est très loin des milliards d’objets connectés qui étaient prévus par certains analystes.

La cause principale du faible volume d’objets connectés repose sur la confiance du marché. Les clients attendent un standard, ou à minima une technologie ouverte qui soit proposée par plusieurs acteurs. Par exemple Sigfox est un réseau propriétaire qui peut utiliser des composants de multiples fournisseurs quand Lora est disponible sur de multiples réseaux privés au travers d’une technologie propriétaire (SEMTECH). Les solutions cellulaires n’ont pas ce défaut d’ouverture, mais elles ne permettent pas de remonter tous types de données compte tenu du coût de production minimal qu’elles engendrent.

Si l’on veut sortir de l’attentisme et donner tout son potentiel à cet eldorado de la donnée industrielle, il est temps de prendre de la hauteur et d’introduire le concept de l’internet à bas débit. Dans l’internet bas débit tous les fournisseurs de réseaux, toutes technologies confondues, deviennent des ISPL (Internet Service Provider Low bandwidth). Il faut aujourd’hui développer la notion de DNS (Domaine Name Service) pour les objets, qui pourrait être un ONS (Object Name Service), de sorte que lors de la réception d’un message sur un réseau bas débit, quel qu’il soit, l’identifiant de ce message permettre de retrouver immédiatement son propriétaire. L’ONS devra être optimisé pour conserver la frugalité exigée par les réseaux à bas débit.

L’ONS va permettre à tous réseaux de déclarer, à une instance centrale, qu’il a reçu un message provenant d’un objet identifié dans la base de données centrale des objets. L’instance centralisatrice pourra transmettre l’information au propriétaire déclaré de l’objet, à sa charge ensuite d’effectuer une requête vers le réseau qui a reçu le message. Cette requête pourra être payante ou gratuite en fonction des spécificités du réseau qui a reçu le message.

Un tel système inspiré de l’architecture de l’Internet va permettre aux clients de bénéficier d’une couverture mondiale. Les clients ne seront plus contraints par une technologie et par un fournisseur d’accès réseau. Il suffira d’embarquer plusieurs couches protocolaires dans un objet (quelques lignes de code par protocole) pour pouvoir accéder à tous les types de réseaux et adresser ainsi les enjeux de la logistique.

Il demeure que pour couvrir la planète entière, l’internet à bas débit devra faire appel aux satellites dédiés aux transferts de petits messages provenant d’objets peu contraints. En cela, il faudra une constellation qui couvre la planète à tout instant (pas de synchronisation avec l’objet donc pas de récepteur), pour permettre à un objet de faible puissance 14 dbm (longue autonomie prédictive), d’envoyer une trame avec une antenne simple (mêmes composants et même antenne que pour la communication avec des antennes terrestres). Une telle offre permettra de bénéficier des effets de volume et de simplicité requis pour 90 % des applications, sans pouvoir offrir une voie descendante, très peu utilisée dans les applications.


Ludovic LE MOAN

est le cofondateur, en 2010, de SigFox qui est devenu le premier opérateur mondial 0G et le premier fournisseur mondial de connectivité pour l’Internet des objets (IoT). Auparavant, après avoir démarré chez Akka, il a fondé Anyware Technologies. Ludovic est de formation ENSIMAG.

 

 

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Ludovic Le Moan

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