ÉDITORIAL 🟢
Quel bonheur que d’avoir ces contributions d’acteurs français du numérique dans ce numéro de la revue TELECOM que vous m’avez demandé de préfacer. Ainsi Renaud di Francesco éclaire sur la question de la souveraineté dans le cadre de l’entreprise et précise qu’il s’agit « de la robustesse et de la stabilité des approvisionnements et des ressources productives, des infrastructures parties prenantes au bon fonctionnement des marchés, de la disponibilité des talents, accompagnée d’une absence de barrière injustifiée au commerce et aux échanges ». En effet, ce terme même de « souveraineté » était jusqu’à une époque ante-Covid mal vu par l’opinion. On s’est aperçu que le produire en France avait des externalités positives, était source d’emplois et avait un bénéfice en matière d’environnement avec les circuits courts. Ceci est attesté par le succès du récent Salon du Made in France à Paris.
C’est encore plus le cas en matière de numérique où la France est devenue une colonie numérique des GAFAM lesquels sont des oligopoles. Comme je l’avais fait remarquer voici plusieurs mois, vouloir taxer ce type d’entreprise est vain. La taxe sur les GAFAM s’est traduite par une hausse des tarifs de Google ou d’Amazon que finalement les entreprises paient. Aussi il est important dès l’école de promouvoir des produits français et européens avec des alliances avec nos partenaires et que chacun à son niveau soit acteur de la souveraineté numérique. Ainsi les entreprises Dromadaire et Ooprint que j’ai créées ont leurs sites hébergées par Online/Scaleway en France. Alain Garnier, président de Jamespot, souligne que l’État gagnerait à « se tourner vers les acteurs locaux plutôt que de bricoler des montages complexes » ce à quoi j’adhère. D’ailleurs dans le programme d’Objectif France s’agissant du volet numérique1, sur les 40 propositions, nous en avons 17 consacrées pour « Asseoir une souveraineté numérique française et européenne » dont la commande publique (50 % du montant des marchés publics à des acteurs européens du numérique (dont 25 % à des PME). Nous sommes en phase avec le collectif PlayFrance.digital !
Dans ma récente vie d’homme politique que d’aucuns considèrent comme disruptif - car pour moi qui souhaite concilier les traditions françaises avec la nécessaire modernité (construction de six nouveaux EPR bien avant les déclarations d’autres personnalités, terreau favorable pour le développement des start-up mais aussi des ETI, baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises), il s’agit de penser à la prochaine génération. C’est le sens de la formule que j’ai fait mienne, « des racines et des ailes ».
En effet, j’estime que nous ne devons pas être prisonniers des solutions numériques étrangères. Nous devons maîtriser nos données, qu’elles soient personnelles comme les données de santé ou qu’elles concernent les entreprises et les secrets industriels (cf. CLOUD Act). Il s’agit pour la France et l’Europe de pouvoir peser sur la scène internationale. La France qui a des talents, plus de prix Nobel par million d’habitants que les États-Unis, des Grandes Écoles d’ingénieurs de premier plan a tous les atouts pour réussir. Je l’ai constaté lors de mes récentes visites des entreprises françaises Whaller, réseau social d’entreprise, ou Milla, pour le véhicule autonome utilisant l’IA et sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Il reste la volonté politique qui doit permettre d’accompagner ce changement et libérer les initiatives.
Rafik SMATI,
46 ans, est un chef d’entreprise dans le domaine du numérique.
Il est fondateur des sociétés ooprint et dromadaire.
Acteur engagé dans la vie publique, il est l’auteur de plusieurs essais et à l’origine du mouvement
Objectif France dont il est le Président
1www.objectif-france.org/of/programme/1411-numerique.html