Revue TELECOM 194 - La formation continue dans les écoles des télécommunications par Pierre Baylet
LA FORMATION CONTINUE DANS LES ÉCOLES DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Par Pierre Baylet dans la revue TELECOM n° 194
La finalité première des écoles d’ingénieur est d’apporter aux étudiants et étudiantes sur plusieurs années une formation initiale solide et les connaissances fondamentales nécessaires à l’exercice du métier d’ingénieur tout au long de leur vie. Les jeunes diplômés ont donc un solide bagage à la sortie de l’école. Mais ce bagage est le reflet du niveau technologique existant pendant leur scolarité et l’environnement scientifique change vite. C’est pour cela que toutes les écoles d’ingénieur ont développé une activité de formation continue pour permettre une actualisation permanente des compétences des diplômés à l’évolution des techniques.
Un peu d’histoire
Dès la fin du XIXè siècle, ce qui constituait les ancêtres de la fonction formation au sein de ce qui était alors le ministère en charge des PTT avait développé des formations professionnelles plutôt orientées ouvriers et apprentis. Diverses réformes, notamment en 1941 (création de la DGT) en 1942 (création du service d’enseignement) et en 1971 la séparation des formations scientifiques et des formations administratives ont permis une identification nette de l’activité de formation continue
Cette activité qui était gérée par l’association des anciens élèves est transférée à l’École en 1969. L’Association a jugé à cette époque que ce n’était pas dans son rôle de réaliser cette activité. Elle a estimé préférable de confier cette fonction commerciale à l’École compte tenu de l’ampleur des besoins et des compétences. On peut encore s’interroger sur la pertinence du transfert de cette activité qui était rentable.
La naissance d’un service de la formation continue
C’est à partir des années 70 qu’une activité significative se développe pour trois raisons principales :
Sur le plan économique la fin des années 70 et le début des années 80 ont vu l’explosion du développement des télécommunications, enfin reconnues comme essentielles au développement du pays grâce aux considérables efforts financiers de l’Etat et de la puissante DGT. C’est, en effet, à cette époque que pour corriger la pénurie constatée et le retard considérable de l’équipement de la France en téléphone et en infrastructures performantes l’Etat lance en 1975 un vaste « plan de rattrapage du téléphone ». C’est l’époque ou l’objectif principal est de multiplier les lignes principales avec un indicateur clé le « DELTA LP » qui mesure l’augmentation du nombre de lignes téléphoniques installés. Cet objectif s’est traduit par la création, dans les années 75, de plus d’un million de lignes par an, voire plus de deux millions certaines années. En 1975, la France comptait six millions de lignes, puis 12 millions en 1980 et 25 millions en 1985. Pour chaque million de lignes nouvelles installées, un jour de congé supplémentaire était attribué à chaque salarié.
Sur le plan technique des bouleversements technologiques se produisent avec la numérisation des transmissions, les nouveaux systèmes de commutation (commutation temporelle en 1977), les débuts de la fibre optique, le déploiement des réseaux de données (Transpac en 1978), les débuts de la télématique. Ces ruptures technologiques ont considérablement modifié les besoins de formation.
Parallèlement à la croissance des infrastructures, l’industrie française des télécommunications a connu son âge d’or. Il fallait développer et produire les équipements et matériels nécessaires à l’aménagement du réseau. A côté des filiales du groupe américain ITT, une industrie nationale se développe dans le cadre d’une politique industrielle autour de la filière électronique Alcatel, Thomson, Câbles de Lyon, TRT (filiale de Philips) qui tournaient à plein régime.
Cette période qui cumule extension du réseau, ruptures technologiques et développement de l’industrie entraine de forts besoins de formation. C’est dans ce contexte qu’un service spécifique de formation continue a été mis en place au sein de l’École. Alors que le nombre de stagiaires s’élève à 1000 en 1977, ils sont plus de 3200 dans les années 1995, dont une part croissante de stagiaires venant des entreprises industrielles. Cette activité était très liée aux enseignants de l’école qui pouvaient y affecter des enseignements spécialisés dans les formations.
Le développement fulgurant des années 90
Pour faire face à ces besoins de compétences, il fallut augmenter le nombre d’ingénieurs diplômés et renforcer le service de formation continue de l’école. Sur ce dernier point, le recours aux enseignants de l’École se développa, mais ceux-ci avaient déjà des charges importantes et prioritaires pour la formation des ingénieurs, sans compter leurs propres travaux de recherche. Il fallait donc arbitrer et faire admettre aux enseignants l’importance de leur contribution à la formation continue, ce qui ne fut pas tâche facile.
Heureusement, la proximité organisationnelle de l’École avec la puissance du CNET et de ses milliers d’ingénieurs auxquels le service de formation continue de l’École pouvait facilement faire appel (au moins jusqu’à l’arrivée d’opérateurs concurrents) permit de constituer une force de frappe considérable. Et cela, d’autant plus que les ingénieurs du CNET étaient souvent les créateurs et les inventeurs de ces nouvelles technologies et souvent les seuls à pouvoir les enseigner. Ainsi, pour les protocoles du GSM, les réseaux de données, la fibre optique, la plupart des ingénieurs alors en activité dans ces domaines (à France Télécom ou dans les entreprises du secteur) ont participé à un de ces séminaires. Il fallut aussi les démultiplier à Paris (ou à Lannion pour les réseaux de fibre optiques) et ils ont fait l’objet de très nombreuses éditions pour réduire les files d’attente et répondre à la demande notamment celle des industriels.
La diversification des domaines
À l’origine très orientée « Télécom et réseaux », les champs de compétence de l’activité se sont rapidement élargis à l’ensemble des technologies numériques liées à l’informatique et à la communication. Ainsi le catalogue 1992 fait état de domaines variés : signal et images, réseaux d’entreprises, systèmes mobiles, protocoles de communication, langages et systèmes informatiques, sécurité, communications mobiles. Ces programmes sont naturellement en constante évolution avec près de 25 % de renouvellement complet chaque année.
La diversification des types de formations
À l’origine, les formations étaient généralement réalisées sous la forme de séminaires courts de quelques jours à une semaine. Avec la complexité croissante des matières, des programmes plus longs ont été développés s’étalant sur plusieurs semaines. Parallèlement, les modalités d’enseignement ont considérablement évolué. Dès les années 70, l’École proposait des programmes totalement ou partiellement à distance dans l’esprit de ce que l’on appelait alors des « nouvelles technologies » de l’enseignement.
Biographie de l'auteur
Pierre Baylet est actuellement • Expert auprès de la Commission du Titre d’ingénieur (CTI) en charge de missions d’audit pour l’habilitation des formations. • Expert auprès du Haut Conseil d’évaluation de la recherche été de l’enseignement supérieur (HCERES), en charge de missions d’audit sur la gouvernance des établissements d’enseignement supérieur • Président du Conseil d’école de Télécom Nancy (École d’ingénieurs de l’Université de Nancy) • Membre de Pascaline, association pour la promotion de la formation à l’informatique. Pierre Baylet est diplômé de l'institut d'études politiques de Toulouse et a une Maîtrise de droit.
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