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15 janvier 2020

Commencer son doctorat cinq ans après avoir reçu son diplôme, c'est possible !

COMMENCER SON DOCTORAT CINQ ANS APRES AVOIR RECU SON DIPLÔME, C'EST POSSIBLE !

Interview de Vincent Le Guen (2013) par Adrien Morvan (2013)

Adrien : Bonjour Vincent, tu es diplômé Télécom Paris promo 2013. Dernièrement, tu as publié un papier de recherche à NeurIPS 2019, la conférence de « Machine Learning » la plus réputée au monde. Peux-tu nous raconter comment tu as réussi ce tour de force sans pourtant avoir de doctorat en poche ?

Vincent : L'histoire commence à Télécom lorsque j'ai fait le master Mathématiques Vision Apprentissage lors de ma 3e année. J'ai beaucoup apprécié les domaines de l'image, du signal et surtout de travailler avec de l'apprentissage automatique.

Une fois mon diplôme en poche, j'ai pu ensuite rejoindre EDF en tant qu'ingénieur de recherche pour travailler sur ces domaines.

Adrien : A l'époque, la recherche académique ne te tentait pas ?

Vincent : Oui et non. J'avais une vision assez limitée du domaine, avec pas mal d'incertitude. Commencer un CDI après le diplôme était l'étape la plus logique pour moi.

Adrien : Cependant, tu occupes un poste rattaché à la recherche au sein d'EDF ?

Vincent : Ingénieur de recherche est un poste à la jonction entre l'ingénierie logicielle classique et la recherche.

Mon travail est, en effet, en lien avec la recherche, mais je cherche plutôt à appliquer des méthodes issues de la recherche en « Machine Learning » pour répondre aux problèmes d'EDF.

Nous avons malheureusement peu de temps à passer par projet, car notre temps est réparti entre de nombreux projets, entre quatre et cinq par année. Il est donc plus difficile de créer des solutions vraiment nouvelles à un problème comme c'est le cas pour des chercheurs académiques.

Adrien : Peux-tu expliquer le type de projet sur lesquels tu travailles ?

Vincent : Par exemple, un problème récent que nous avons eu à traiter est la prédiction de la production à court terme de la production photovoltaïque par panneaux solaires. Pour cela, nous avons utilisé des caméras au sol prenant des photos du ciel à intervalles réguliers pour prévoir le déplacement des nuages et donc la production future d’électricité. C’est un enjeu crucial pour l’intégration des énergies renouvelables intermittentes dans les réseaux électriques existants. Les futurs « smart grids » pourront combiner énergies renouvelables et solutions de stockage lors des chutes de production éolienne ou solaire, le tout régulé par des algorithmes basés sur des prévisions de production. La solution que nous proposons utilise des réseaux de neurones (deep learning) entraînés sur de grandes bases de données d’images de ciels et de rayonnements mesurés.

Adrien : Quel est la partie la plus chronophage dans ce genre de projet ?

Vincent : Comme souvent en « Machine Learning », dans la préparation des données : filtrage, architecture du système qui ingère les données. Il est aussi très important de bien définir en amont les méthodes « open source » que l'on peut utiliser pour arriver rapidement à un prototype.

Adrien : Et donc, comment en es-tu arrivé à écrire un papier dans un vrai cadre de recherche ?

Vincent : Passionné par le « Machine Learning » et le domaine de la prévision des énergies renouvelables, j'ai demandé à ma hiérarchie de passer en thèse pour pouvoir approfondir ces sujets et améliorer une première solution que j’avais développée. Et c'est ainsi que je me suis lancé dans un doctorat cinq ans après être sorti d'école.

Adrien : En quoi cela a-t-il changé ta façon de travailler ?

Vincent : J'ai donc rejoint le labo du CNAM à mi-temps où j'ai eu la chance d'être encadré par Nicolas Thome.

A partir de ce moment, j'ai pu passer beaucoup plus de temps pour lire les diverses méthodes qui ont été proposées par d'autres chercheurs pour mon type de problème. Et à partir de cette connaissance et d’une intuition de départ, j'ai pu construire une méthode vraiment novatrice pour le besoin d'EDF. J'ai aussi rédigé le papier qui décrit cette méthode avec l'aide de mon encadrant. Et c'est ce papier qui a été accepté à NEURIPS.

Adrien : Peux-tu préciser ce qui était novateur par rapport à ce que tu faisais avant ?

Vincent : La principale innovation de ce papier est de repenser les fonctions de perte qu’on utilise classiquement pour entraîner les réseaux de neurones qui font de la prévision de séries temporelles. Notre proposition est une fonction de perte qui pénalise explicitement les distorsions de forme et de décalage temporel des prédictions. Je vous invite à le lire plus en détail si cela vous intéresse : « Shape and Time Distortion Loss for Training Deep Time Series Forecasting Models, » (https://arxiv.org/abs/1909.09020).

Adrien : Et aujourd'hui, quels conseils pourrais-tu donner à des personnes qui souhaiteraient suivre la même voie que toi ?

Vincent : Choisir de faire un doctorat est une décision très importante dans sa carrière qui doit être beaucoup préparée en amont. S'y intéresser lorsque l'on est encore en cycle de master est pour moi essentiel. C'est ce qui m'a manqué lors de ma formation à Télécom Paris.

Je recommande donc aux étudiants qui envisagent de se tourner vers un doctorat de se renseigner auprès des enseignants chercheurs de Télécom Paris. Par exemple, trouver un thème qui vous passionne peut faire toute la différence. Travailler en stage de fin d'étude sur votre futur sujet de doctorat peut être aussi un très bon moyen de garantir votre succès futur.

Adrien : Merci beaucoup, Vincent, de nous avoir partagé ton parcours et tes expériences.

Vincent : J’espère que ça donnera envie à plus des personnes de se tourner vers le monde de la recherche et peut-être créer des vocations.

 

Pour plus de renseignement sur les doctorats à Télécom Paris

Consultez le site
https://www.telecom-paris.fr/doctorat

 

Biographie de l'auteur


Vincent Le Guen,
ingénieur Télécom Paris est doctorant en thèse CIFRE avec EDF et le conservatoire national des arts et métiers. Il s'intéresse particulièrement à l'application du deep learning aux séries temporelles.

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