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12 novembre 2019

Revue TELECOM 194 - Les mues de l'école au gré des réformes des télécommunications par Louis-Aimé de Fouquières (1982)

LES MUES DE L'ÉCOLE AU GRÉ DES REFORMES DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Ces quarante dernières années ont vu la transformation de l’ENST, service de la Direction Générale des Télécommunications, en l’école de l’entreprenariat numérique.

De l’ENST à Télécom Paris

Quoiqu’une des plus jeunes parmi les grandes écoles d’ingénieur dans les années 1970, l’École Nationale Supérieure des Télécommunications (E.N.S.T.) avait guère changé ni de nom ni de statut depuis 1942, date de sa création par scission de l’E.N.S.P.T.T. (École Nationale Supérieure des Postes Télégraphes et Téléphones). Elle entre sous la tutelle directe de la Direction Générale des Télécommunications (D.G.T.) en 1971. En somme, il s’agit de l’instrument de formation du ministère des Postes et Télécommunications, sur le modèle d’écoles supérieures publiques rattachées à leurs ministères respectifs. Certes le développement des télécommunications des années 1970 voit la création de deux autres écoles, l’E.N.S.T. Bretagne et l’I.N.T. à Évry, mais celles-ci restent des structures administratives rattachées à la D.G.T.

Ce rattachement laisse une grande autonomie à l’école dans sa politique de marque et dans sa capacité à former des partenariats. Au cours des années 1980, elle prend pour la première fois le nom de Télécom Paris. En 1991, elle participe à la fondation de l’association qui deviendra plus tard ParisTech, établissement public regroupant les grandes écoles d’ingénieurs parisiennes et H.E.C. Ces évolutions ne modifient pas fondamentalement les débouchés de l’école. La Direction Générale des Télécommunications est le premier employeur des jeunes diplômés. Suivent les grands équipementiers électroniques publics (Alcatel, Thomson Csf…), dont les liens de partenariats avec la D.G.T. sont extrêmement étroits, puis le secteur informatique. La petite entreprise et la start-up sont guère représentées.

La déréglementation et ses impacts

Les évolutions réglementaires et économiques du secteur des télécommunications vont rapidement bouleverser ce paysage à partir de la fin des années 1990. Une première phase de déréglementation des télécommunications en Europe est provoquée par la promulgation du « Livre vert des télécommunications » par la Commission européenne en 1987. À l’époque, il ne s’agissait pas encore de libéraliser le marché de la téléphonie, mais de faire émerger des services « à valeur ajoutée » s’appuyant sur les services de télécommunications « de base », ceux qui seraient plus tard nommés les « services universels ».

Remettons-nous un instant dans le contexte de l’époque, en évoquant un exemple français : le réseau Télétel a commencé de se développer à partir de 1982. La Commission européenne espère favoriser l’émergence de services à valeur ajoutée semblables dans l’ensemble des États-membres. Mais chaque État défend son administration des télécommunications.

C’est de ce « Livre vert » qu’émergent les concepts clés qui bouleverseront le paysage institutionnel des télécommunications :

• les activités réglementaires doivent être séparées de l’activité d’exploitation des réseaux de télécommunications ;

• seule l’offre d’infrastructure de réseau et le service de téléphonie peuvent être réservées à une administration ;

• l’offre d’autres services et de terminaux doit être libre, pour autant que ces services et terminaux sont conformes à des standards européens.

L’application du « Livre vert » à la France donnera lieu à l’apparition, dès 1988, du nom « France Télécom » pour désigner la Direction Générale des Télécommunications, et la création d’un établissement public à budget autonome en 1990. La Direction Générale des Postes et Télécommunications, une direction du ministère chargé de l’Industrie, prend en charge les activités réglementaires, séparément de France Télécom.

C’est vers 1995 que s’engage la deuxième phase de la déréglementation des télécommunications. Il ne s’agit plus seulement de protéger un monopole public d’infrastructures et de services de téléphonie, il s’agit de mettre à terme l’ensemble de ces activités dans le régime de concurrence de droit commun. Et c’est à l’occasion de cette deuxième phase qu’émergent les acteurs d’aujourd’hui :

• En 1996, France Télécom est transformée en société anonyme ; elle sera concurrencée sur ses marchés traditionnels par de nouveaux acteurs, dont la plupart seront assez éphémères, parmi lesquels Cégétel, S.F.R., Louis Dreyfus Communication, Complétel etc. ; après quelques péripéties marquées notamment par l’éclatement de la bulle Internet en 2000, France Télécom prendra définitivement le nom de Orange en 2013.

• En devenant société anonyme, France Télécom se sépare des écoles de télécommunications. Celles-ci sont regroupées au sein du Groupe des Écoles de Télécommunications (G.E.T.), l’ancêtre de l’Institut Mines-Télécom.

• La régulation du secteur des télécommunications est transférée à une autorité indépendante, l’Autorité de Régulation des Télécommunications (A.R.T.), gouvernée par un collège de personnalités désignées par le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat. L’A.R.T. se transformera en Autorité de Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en 2005, alors que son autorité s’étend au secteur des activité postales, lui aussi libéralisé.

Alors que notre école quittait le giron de France Télécom pour entrer dans le G.E.T., elle s’engagea, sous la direction de Marc Peyrade (1973), dans l’appui aux ingénieurs-entrepreneurs, en créant dès 1999 l’un des premiers incubateurs d’école d’ingénieurs. Cet incubateur allait devenir ParisTech Entrepreneurs.

Quel chemin parcouru, entre l’entité de formation d’une direction administrative et une école arborant comme devise « Entreprendre dans un monde numérique » ! Seuls les locaux n’avaient pas changé au cours de cette révolution. C’est maintenant chose faite en arrivant à Palaiseau et en effectuant son deuxième déménagement depuis sa création en 1878. 


Biographie de l'auteur


Louis-Aimé de Fouquières (1982)
commence sa carrière comme ingénieur en systèmes de communication mobile, puis devient consultant en organisation auprès des administrations et des établissements publics. Parallèlement, il assure successivement plusieurs fonctions comme administrateur de Télécom Paris alumni. Tout en développant de nouveaux outils de gestion du temps collectif, il continue de participer au comité de rédaction de la revue Télécom.

@louisdefouquier

www.calendriermilesien.org

Auteur

Médiateur scientifique, ancien professeur de physique chimie et ancien consultant en management et en systèmes d'information

Après une expérience de trente ans de conseil en gestion et systèmes d'information, j'ai décidé d'animer ma retraite en prenant un poste vacant de professeur de physique et chimie en lycée. Ayant désormais atteint l'âge limite pour un emploi public, j'effectue quelques missions de médiation scientifique.

Comme détaillé dans mon ouvrage l'Heure milésienne, paru en janvier 2017, je m'intéresse également à la compréhension et à la maîtrise du cycle des saisons, et propose le calendrier milésien comme référence des analyses climatiques, scientifiques, historiques liées au cycles des saisons, en variante à notre calendrier grégorien.

Français, anglais, allemand. Voir les 3 Voir les autres publications de l’auteur(trice)

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