Numérique et esprit critique ? Le regard de la psychologie sociale
Depuis longtemps, l’apport des technologies à l’homme et à l’humanité est un objet de débats. Une large majorité de personnes estiment qu’elles ont contribué à des progrès considérables dans de multiples domaines. Des points de vue plus minoritaires issus de la philosophie ont néanmoins souligné des effets négatifs, comme en son temps Ivan Illich et plus récemment Bernard Stiegler, en parlant d’aliénation et d’accablement par les technologies. Aujourd’hui, les controverses tendent à se focaliser sur le numérique et ses possibles relations avec l’esprit critique, l’aptitude à réfléchir par soi-même, la capacité de discernement et donc globalement l’intelligence humaine. Le monde hyperconnecté de l’information et de la connaissance dans lequel nous vivons depuis quelque temps n’y est sans doute pas étranger avec la prolifération des fausses informations, des théories conspirationnistes, la présence médiatique d’imposteurs ou de pseudo-savants autoproclamés.
Dans un ouvrage récent, à propos des sciences et des technologies, j’ai tenté de mettre de l’ordre dans les différentes prises de positions, attitudes, opinions quant à l’apport des technologies pour l’homme et plus généralement pour l’humanité1. Elles s’organisent, me semble-t-il, selon deux grandes dimensions indépendantes qui peuvent être formalisées géométriquement comme deux axes orthogonaux. La première dimension oppose une vision pessimiste et une vision optimiste des apports des...